Extrait du livre Le Nil, fleuve des pharaons
Le Nil - Fleuve des pharaons de Marie Lecroart, Myriam Rabah-Konaté et Catherine Cordasco aux éditions du Ricochet
Le Nil - Fleuve des pharaons
« Depuis combien de temps sillonnes-tu les villages ? De quelle main as-tu coulé jusque dans nos villes ? […] L’eau que tu verses, plus riche même que l’or, inonde la terre et la ressuscite […]. Ô Nil, tu as été loué par Dieu et célébré dans la Torah. Tu es à l’origine de la civilisation et sa richesse est le fruit de ta grandeur. » Extrait du Poème du Nil tiré du recueil Poésie pour enfants d’Ahmed Chawqi (1915), chanté par Oum Kalthoum (1946).
À la source de la civilisation Vieux comme le monde, le Nil a vu fleurir autour de lui des sociétés diverses, métissées et millénaires, dont on découvre encore aujourd’hui les merveilles. C’est sur les berges du Nil égyptien qu’écriture, agriculture, commerce et nombre de savoirs ancestraux se sont développés pendant trois millénaires avant notre ère. Mais la civilisation qui les a façonnés ne s’est pas construite en vase clos : les résultats de fouilles sous-marines récentes montrent même l’existence d’un « métissage » de l’Égypte antique avec la Grèce antique, autre grande civilisation de l’époque ! Après la fin du règne des pharaons, Romains, Byzantins, Arabes et Ottomans se sont succédé sur cet espace stratégique. Puis, au XIXe siècle, les Britanniques sont arrivés pour le coloniser. L’Égypte obtiendra progressivement son indépendance au milieu du XXe siècle : en 1953, la république est proclamée. Plus au sud, vers les sources du Nil Bleu, l’Empire éthiopien a prospéré pendant près d’un millénaire dans un relatif isolement : c’est le seul pays d’Afrique à avoir échappé à la colonisation ! Son dernier empereur, Haïlé Sélassié Ier (mort en 1975) est vénéré jusqu’en Jamaïque par les rastafaris, qui le considèrent comme l’incarnation de Dieu.
Bien plus vaste que l’Égypte Descendre le Nil, c’est traverser la moitié de l’Afrique. Du sud au nord, de son affluent le plus lointain jusqu’à son embouchure méditerranéenne, ce fleuve regorge de richesses, mais aussi de défis environnementaux à relever... Parcourant 6 700 km, le Nil est le plus long fleuve d’Afrique, et l’un des plus longs du monde. Divisé entre le Nil Blanc en aval du lac Albert et le Nil Bleu en aval du lac Tana, il devient LE Nil au Soudan, près de la frontière égyptienne. Du bas vers le haut de la carte, il traverse sans s’y perdre la partie orientale du Sahara, le plus vaste des déserts chauds de la planète. Il concentre donc une ressource capitale, l’eau ! Pas moins de 500 millions d’habitants dépendent de sa générosité. Alors que la population ne cesse d’augmenter sur ses rives, le Nil est confronté au changement climatique et à la pollution... Le tout exacerbe les tensions entre les huit pays qui doivent se le partager. La longueur du Nil, comprise entre 6 499 et 6 895 km, fait débat, tout comme celle de l’Amazone (entre 6 259 et 7 025 km). S’il est impossible de les départager, il est certain que ces deux géants se disputent la première marche du podium des plus longs fleuves du monde !
· Le lac Victoria est le plus grand lac tropical du monde. En raison de son isolement, il a longtemps été peuplé de centaines d’espèces de poissons endémiques, dont certaines sont aujourd’hui menacées à cause de la perche du Nil, poisson carnivore introduit dans les années cinquante. · En Ouganda, le Nil dit « Victoria » passe par un spectaculaire goulot d’étranglement qui dévale 43 marches : les chutes Murchison. On peut les admirer en sillonnant le parc naturel du même nom, depuis la terre ferme ou à bord d’un bateau cerné par les hippopotames et les éléphants. · Bordé, à l’ouest, par les monts Bleus, entre le bassin du Congo et celui du Nil, le lac Albert est le septième plus grand lac d’Afrique. Quantité d’oiseaux peuplent les marais qui jouxtent ses rives, dont l’extraordinaire bec-en-sabot, un grand échassier à l’allure préhistorique. · Plus au nord, le Nil arrive au Soudan du Sud, plus jeune pays au monde né à la suite d’une guerre de 30 ans avec le Soudan. La faune de ces deux pays est très riche : lions, guépards, antilopes, babouins... Malheureusement, zèbres et rhinocéros ont localement disparu tandis que d’autres animaux, comme les éléphants ou les girafes de Nubie, ont vu leurs effectifs se réduire drastiquement.
Al-Sudd. Ce mot dérivé de l’arabe signifie « barrage ». Il désigne la plus grande zone humide d’Afrique, à la confluence du Bahr-el-Ghazal et du Bahr-el-Ghebel. Ce labyrinthe inextricable, infesté de moustiques, est un véritable dédale de canaux vaseux bordés de papyrus qui s’ouvrent et se referment au gré du mouvement des îles flottantes formées par la végétation. Une barrière que nombre de chercheurs d’or et de marchands d’esclaves n’ont jamais réussi à franchir ! Mais le Sudd est aussi une énorme éponge qui épure l’eau et offre une zone de pâturage essentielle, en saison sèche, pour les éleveurs nomades. C’est un espace où vivent plusieurs espèces de plantes et de poissons endémiques, où les pélicans blancs, les grues couronnées et autres cigognes viennent passer l’hiver. Voir toute cette eau paresser n’était pas du goût des gouvernements soudanais et égyptien. Inquiets de la voir s’évaporer, ils ont débuté en 1978 le creusement du canal de Jonglei pour détourner et récupérer cet or bleu... Depuis l’indépendance du Soudan du Sud, ces travaux, qui ont asséché les marais, ont été abandonnés. Vider le Sudd n’était pas dans l’intérêt du pays !
· Le lac Tana est le berceau du Nil Bleu, branche éthiopienne du fleuve. Il est constellé d’îles, dont la moitié héberge des églises ou des monastères. Parmi eux, on trouve le monastère rond Azwa Mariam, entouré de caféiers et de citronniers, sur la presqu’île de Zéghié. · Au débouché du lac Tana, le Nil Bleu s’engage dans un canyon de basalte noir et dégringole soudainement, formant des chutes d’une quarantaine de mètres de haut pour quelque 400 mètres de large. Ce site est appelé Tis Abay qui signifie « la grande fumée » en amharique. · À la confluence du Nil Blanc et du Nil Bleu, Khartoum, capitale du Soudan, rassemble quatre millions d’habitants en plein désert. Au milieu de l’agglomération, l’île de Tuti est un havre de verdure. Reliée à Khartoum par un pont, elle approvisionne la cité en fruits et légumes. · Le long du fleuve, six cataractes se succèdent, numérotées de 1 à 6 de l’Égypte vers le Soudan. Avec leurs blocs de rochers, elles ont toujours constitué des obstacles à la navigation. Elles sont également chargées d’histoire... Au cœur de la deuxième, on trouve les forteresses de Semna datant de l’Égypte antique. · Sur les rives de la Méditerranée, Alexandrie a été la capitale de l’Égypte au IVe siècle avant notre ère, lorsque le Grec Ptolémée était pharaon. Il y a fait construire un phare de 130 mètres de haut, un musée et une immense bibliothèque où tous les navires en escale devaient déposer leurs livres ! Aujourd’hui, Alexandrie est la deuxième ville du pays et le premier port d’Égypte.
Les oasis, filles du Nil ? À l’ouest du Nil, à cheval sur l’Égypte, la Lybie et le Soudan, s’étend le désert de Lybie. Partie la plus aride du Sahara, cette région a pourtant une importance stratégique pour le commerce transsaharien. On trouve dans ce désert cinq grandes oasis, véritables enclaves de verdure. Les scientifiques ont longtemps pensé que leur présence était due à un ancien tracé du Nil, mais cette hypothèse est aujourd’hui abandonnée. Ces oasis jalonnent la périlleuse Piste des Quarante Jours, nommée d’après le temps qu’il fallait pour la parcourir. Au Moyen Âge, cette route commerciale était empruntée par des caravanes de dromadaires allant du sud du Sahara vers les pays de la Méditerranée. On y transportait de nombreuses marchandises rares et convoitées : de l’or, de l’ivoire, des noix de kola, des plumes d’autruche... Le commerce transsaharien s’appuyait sur des esclaves venant du Bilad-al-Sudan (« pays des Noirs »). De couleur et de religion différentes, ils ont été exploités pendant plusieurs siècles. L’esclavage fut aboli dans les années vingt, mais il n’a jamais totalement disparu et aujourd’hui encore, les descendants de ces opprimés souffrent de discrimination.

























